Kinotayo 18e festival du cinéma japonais contemporain

Les soeurs Munakata

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Réalisateur: Yasujiro Ozu
Interprètes: Kinuyo TANAKA, Hideko TAKAMINE, Ken UEHARA, Sanae TAKASUGI, Chishu RYU, So YAMAMURA
Année: 1950 | Durée: 112min | Genre: Drame intimiste | VOSTF

Synopsis

Setsuko et Mariko Munakata ont beau être sœurs, tout les oppose. L’extravertie Mariko profite de sa jeunesse et de sa liberté, tandis que Setsuko travaille d’arrache-pied pour entretenir son mari Mimura, un homme taciturne et alcoolique. En visite chez leur père, Mariko sympathise avec Hiroshi, un ancien prétendant de sa sœur, de retour au Japon après des années passées à l’étranger. La jeune femme est convaincue que Setsuko et Hiroshi éprouvent encore des sentiments l’un envers l’autre et va tout faire pour les rapprocher…

UN REGARD CROISÉ ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ « Hideko Takamine la star d’après-guerre face à Kinuyo Tanaka la star d’avant-guerre : voilà le programme. “Nous avons grandi dans des époques différentes”, se disent les sœurs Munakata. L’impétueuse Mariko s’habille à la mode du jour, fait des grimaces, tire la langue et chante à tue-tête - Yasujiro Ozu aurait tort de se priver avec Hideko Takamine. Les temples et les palais impériaux, ça la barbe, se plaint la jeune femme à son aînée. Est-elle pour autant plus avisée que sa grande sœur Setsuko ? Tokyo la nouvelle et Kyoto l’ancienne, avec entre les deux la ville de Kobe et Hiroshi son bel antiquaire : le film fait des allers-retours et Chishu Ryu confirme que “la guerre a changé beaucoup de choses”. Une nouvelle fois, Ozu parle du temps qui passe. Qu'a-t-on abandonné, qu’a-t-on accueilli ? Qu’a-t-on laissé filer, qu’a-t-on laissé entrer ? Pour le personnage joué par Kinuyo Tanaka, la modernité n’a qu’un temps. Comme tout le reste, elle passera, estime-t-elle. À la fin du film, Setsuko l’aînée montre à sa sœur cadette les montagnes de Kyoto, aux reflets mauves comme des prunes. Elles sont là depuis toujours, elles sont belles. S’il tourne un film loin de son périmètre de prédilection, Yasujiro Ozu n’en livre pas moins une œuvre personnelle sur le télescopage de deux mondes. » – Pascal-Alex Vincent

Yasujiro Ozu

Avec ses 54 films tournés entre 1927 et 1962, l’œuvre du Japonais Yasujiro Ozu (1903-1963) compte parmi l’une des plus importantes du XXe siècle – aussi bien qualitativement que quantitativement. Bien que découverts assez tardivement en France – Voyage à Tokyo a été son premier long-métrage projeté en France en 1978 –, ses films sont devenus des classiques instantanés, se transmettant de génération en génération avec la même ferveur et une émotion sans cesse renouvelée. Les films de Yasujiro Ozu témoignent d’une carrière magnifique dans laquelle les drames et tracas du quotidien japonais font office de paraboles universelles. Avec son regard si singulier, à la fois proche et distancié, le cinéaste invite le spectateur à occuper une place dans le récit, à se joindre à ces histoires de famille qui trouvent une résonance en chacun de nous. Car le génie d’Ozu consiste à montrer les choses de la vie – le temps qui passe, les familles qui se disloquent, l’occidentalisation du Japon – à travers une mise en scène aussi sophistiquée qu’épurée – sa façon de filmer « au ras du tatami » et ses plans fixes sont devenus sa marque de fabrique.

Wim Wenders : « Je vous parle des plus beaux films du monde. Je vous parle de ce que je considère comme le paradis perdu du cinéma. À ceux qui le connaissent déjà, aux autres, fortunés, qui vont encore le découvrir, je vous parle du cinéaste Yasujiro Ozu. Si notre siècle donnait encore sa place au sacré, s’il devait s’élever un sanctuaire du cinéma, j’y mettrais pour ma part l’œuvre du metteur en scène japonais Yasujiro Ozu... Les films d’Ozu parlent du long déclin de la famille japonaise, et par là même, du déclin d’une identité nationale. Ils le font, sans dénoncer ni mépriser le progrès et l’apparition de la culture occidentale ou américaine, mais plutôt en déplorant avec une nostalgie distanciée la perte qui a eu lieu simultanément. Aussi japonais soient-ils, ces films peuvent prétendre à une compréhension universelle. Vous pouvez y reconnaître toutes les familles de tous les pays du monde ainsi que vos propres parents, vos frères et sœurs et vous-même. Pour moi le cinéma ne fut jamais auparavant et plus jamais depuis si proche de sa propre essence, de sa beauté ultime et de sa détermination même : de donner une image utile et vraie du 20e siècle. »

Abbas Kiarostami : « Le cinéma de Yasujiro Ozu est un cinéma bienveillant. Dans tous ses films, il accorde de l’importance aux interactions, aux relations vraies, à l’homme vrai. Ses plans d’ensemble sont éternels et respectueux. »